Et si on arrêtait d’avoir peur des robots ?
Vous avez vu ce « robot-chien » patrouillant dans un parc de Singapour et cela vous a mis mal à l’aise ? Pas de panique, ce n’est pas un cyborg-animal mais juste une caméra télécommandée. Et il va falloir s’y habituer…
Robots-chiens, robots-livreurs, drones au dessus de nos têtes… Si cela vous inquiète, alors partez vite vous mettre à l’abri sur une île déserte car cela ne fait que commencer. La robotique devient assez performante aujourd’hui pour commencer à rendre quelques menus services et il va bien falloir s’habituer à cotoyer ces « créatures ».
Je ne parlerai pas ici des questions de surveillance par les robots ni de leur impact éventuel sur le travail, qui sont de vrais sujets importants, mais je voudrais seulement m’intéresser à cette relation « émotionnelle » de l’homme face à la machine.
Sommaire
Juste des machines
Première remarque : ce ne sont pas des créatures ! Ce sont seulement des machines, des appareils, des bécanes, au même titre qu’un feu rouge, une voiture télécommandée ou un lave-linge.
Malheureusement, nous avons été influencés par des décennies de Black Mirror (notamment le terrible S04E05 : Metalhead) et autres Terminator qui nous ont mis dans la tête des images terrifiantes liées à la domination par les machines.
Cependant, au lieu d’imaginer le pire, ne serait-il pas temps de commencer à imaginer le meilleur, c’est-à-dire penser aux nombreux services utiles que ces robots vont pouvoir rendre ?
Robot facteur et caméra sur pattes
Oui, demain, c’est peut-être un robot humanoïde qui glissera le courrier dans votre boite aux lettres ou un drone qui livrera vos cadeaux de Noël. Alors, si vous êtes d’une génération ayant connu le facteur en chair et en os avec lequel on taille une bavette sur le pas de la porte, je comprends votre désarroi. Mais si vous êtes comme mes enfants qui n’ont quasiment jamais croisé un facteur de leur vie (question d’horaires, de fréquence de passage, etc.), vous vivrez cela beaucoup mieux.
Un robot-chien dans un parc ? Ce n’est qu’une caméra sur pattes qui, au lieu de se trouver en haut d’un mât, se balade dans les allées (encore une fois, on peut débattre du sujet des caméras dans les parcs mais ce n’est pas mon sujet ici). A l’autre bout, il y a un opérateur (à Singapour, le robot Spot de Boston Dynamics n’est pas utilisé en mode autonome mais piloté par un employé).
Confusion des genres
Alors pourquoi un tel malaise face à certains robots ?
Cela vient d’une dérive anthropomorphique qui nous conduit à projeter notre vision humaine sur tout ce qui nous entoure et à confondre des machines avec des hommes ou des animaux. Lorsque nous voyons un robot humanoïde faire des pirouettes, nous sommes partagés entre la peur qu’il se fasse mal et l’effroi en imaginant qu’il puisse se retourner contre nous.
Empathie et antipathie mal placées
Le psychiatre Serge Tisseron décrit bien dans ses ouvrages cette dérive. Il met en garde contre l’empathie (ou l’antipathie) que nous pourrions ressentir à l’égard des robots. De ce fait, il n’est pas favorable à l’idée de créer des robots à visage humain qui risquent d’entretenir cette confusion.
Le problème, c’est que nous sommes formatés par nos gênes et la moindre boule avec deux trous évoque pour nous un visage, de même qu’un bras robotique sortant d’un mur nous fait ressentir étrangement la présence d’un corps virtuel. Même un aspirateur-robot qui se déplace tout seul dans la maison est assimilé dans notre inconscient à une sorte de petit animal.
C’est contre cette tendance qu’il faut lutter pour ne plus voir dans les robots que des machines, des machines, des machines. Et pas question de pouvoir épouser un robot « pour de vrai » (qui voudrait se marier avec son lave-vaisselle ?).
Le risque de l’accident
Le vrai risque est ailleurs. Ce n’est pas celui de la domination mais juste celui de l’accident. A partir du moment où une machine se déplace à une certaine vitesse dans un environnement ouvert, oui, il y a des risques de collision avec des êtres vivants. Cette réalité a commencé à être prise en compte dans les usines où travaillent des robots et ceux qui présentent le plus de risques pour les ouvriers sont isolés ou programmés pour interrompre leurs mouvements à la moindre interaction avec un humain. C’est sans doute vers cela qu’il faut aller.
Notre droit d’humain serait peut-être de réclamer la présence obligatoire de dispositifs d’arrêts d’urgence. Cela pourrait aller d’un niveau minimum garanti de sécurité, normé, assuré par des capteurs jusqu’à la présence d’un bouton d’arrêt, comme dans un ascenseur, ou encore d’une commande vocale provoquant l’arrêt d’urgence. Il faut que nous puissions interrompre en une fraction de seconde un mouvement ou une action dangereuse. Au début, les réfractaires useraient et abuseraient forcément de ce droit à la déconnexion. Mais c’est sans doute le prix à payer pour pouvoir aller, ensuite, vers une relation plus saine et plus simple avec nos amis outils les robots.