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Face aux chapelles numériques, quelle place pour la nuance ?

Comme toutes les disciplines, le numérique a ses chapelles et ses tribus. La « vérité » n’étant évidemment pas à 100% dans un camp ou dans un autre, reste-t-il une place pour la nuance ?

Avant, on était PC ou Mac, Microsoft ou Apple, Android ou iPhone. Aujourd’hui, on est pro ou anti-GAFAM, pro ou anti exploitation des données, pro ou anti reconnaissance faciale, etc. Ces lignes de fractures binaires paraissent encore plus vives avec les réseaux sociaux où prime la parole radicale. La notion de nuance, défendue notamment par le philosophe Etienne Klein, a bien du mal à trouver sa place. Pourtant, n’est-ce pas dans une voie médiane, en intégrant les doutes et les questionnements, que l’on trouve les meilleures réponses à bon nombre de questions ?

Par exemple, parlons des fameux GAFAM, ces géants de la tech, qui suscitent de plus en plus de discours radicaux. Certes, on doit s’interroger sur la place prise par ces entreprises dans notre vie quotidienne et par le pouvoir qu’elles se sont octroyé. Mais rêver d’un monde déGAFAMisé, plein d’initiatives collaboratives et de bons sentiments est-il réaliste ? L’un des problèmes posé par les GAFAM est notre dépendance à leurs nombreux services et boycotter Facebook ou Amazon paraît aussi absurde que boycotter EDF ou TOTAL. Du coup, est-il possible d’être vigilant et critique sans être pour autant « anti-GAFAM » ? Peut-on souhaiter voir émerger une industrie française (ou européenne) du numérique sans pour autant caricaturer les big tech qui ont également leurs propres logiques (et qui – accessoirement – emploient quantité de cerveaux français) ?

Sujets clivants 

Au chapitre des sujets clivants, on pourrait aussi parler de la reconnaissance faciale ou de l’exploitation des données. Les évoquer publiquement fait immédiatement sortir du bois toutes sortes d’opposants énervés. Beaucoup de postures radicales relèvent de l’idéologie et du militantisme et tout débat devient vite compliqué. Pourtant, sans sacrifier sa vie privée sur l’autel du big data, s’opposer définitivement à telle ou telle technologie a-t-il vraiment un sens ? Tout est question de nuance et de positionnement de curseur. Aujourd’hui, nous avons certainement besoin de reconnaissance faciale et de traitement de données dans bien des domaines, comme le montre, par exemple, le succès de Parafe aux aéroports ou de Covid Tracker et de Doctolib en matière de santé. D’aucuns regrettent que certaines de ces réalisations ne soient pas d’initiative publique alors que d’autres, au contraire, se réjouissent que le privé puisse suppléer l’Etat et alléger sa charge. C’est un débat intéressant mais qui vire vite, malheureusement, aux anathèmes.

Idéologie de la nuance 

Personnellement, en tant que journaliste dans la tech, je ne conçois pas mon travail comme une entreprise de démolition de tel ou tel au nom d’une idéologie. Poser toutes les questions, écouter toutes les réponses et explorer tous les aspects, oui. Nier certains faits et en grossir d’autres pour servir une certaine argumentation, non. Je ne défends aucun camp par rapport à un autre, je n’ai aucun lien commercial avec les entreprises auxquelles je donne la parole (et si j’en avais cela ne m’empêcherait pas de poser toutes les questions). Je cherche juste à aider tout un chacun à comprendre au mieux ce monde complexe, en portant la totalité des éléments et des points de vue à la connaissance de tous. Je n’ai aucun message politique à faire passer ni personne à convaincre. Je ne suis pas un saint, juste un journaleux. Bien sûr, je l’avoue, mon fort tropisme technophile me fait pencher largement pour l’hyperconnectivité, la publicité ciblée, l’authentification par reconnaissance faciale ou le vote électronique, mais jamais aveuglément et sans contrepoint. Ma seule idéologie est celle de la nuance. 

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